Actualités / Cadre de vie - mardi 02 juin 2015

Histoires d’eau

LE PETIT-PONT, un nom un rien bucolique pour un quartier de la taille d’un mouchoir de poche, situé à l’extrême nord-ouest de la commune, entre l’auto- route et l’avenue d’Orcha. Un nom un rien énigmatique aussi, tant on passe sur ce fameux petit pont, sans vraiment y prêter attention. Car la passerelle qui a donné son nom à ce petit bout de Vaulx-en-Velin est toujours debout. Seulement, il n’enjambe ni la Rize, ni même le canal situé à quelques pas, mais longe l’avenue du 8-mai-1945, de part et d’autre de la chaussée. De ce pont et du quartier qui l’entoure, ce sont les habitants qui en parlent le mieux, fiers de son histoire atypique. “Il s’agit en fait d’une ancienne vanne qui servait à inonder la plaine de Vaulx, pour protéger Villeurbanne et Lyon des crues”, expliquent de concert, Gisèle Tribolet, présidente du Conseil de quartier et Maurice Masson, un habitant. A l’époque, il n’y avait ici qu’une poignée de maisons, des écuries, des terres agricoles, quelques cafés avec leurs jeux de boules et une épicerie”. De cette épicerie, ils ont “encore l’odeur en tête“. “C’était minuscule et très sombre, mais il y avait tout à l’intérieur”, rappelle Maurice Masson, dont le grand-père s’est installé là en 1919. Ce dont il se souvient encore mieux et que les anciens ne se sont jamais lassés de lui raconter, au milieu d’histoires de pêches miraculeuses, ce sont les terribles crues qui plongeaient le Petit-Pont sous deux mètres d’eau. “Il n’y avait qu’une chose à faire alors, prendre sa petite famille sous le bras, sauter par la fenêtre et filer en barque jusqu’au café Achard, le temps que ça passe”, assure René Tribolet, fils de l’un des pionniers des lieux.

La mémoire vive du quartier

S’il est une crue qui a marqué plus que les autres Etienne Dutel, bientôt 100 ans, c’est celle de 1928. “Une année terrible durant laquelle Lyon a eu très peur”, souligne le grand-père, mémoire vive du quartier. “Il n’y avait pas de pardon avec le Rhône, on avait une crue pour un oui ou pour un non”, ajoute-t-il, se remémorant la disparition d’un sauveteur dont le bateau a viré de bord durant cette inondation devenue légendaire. Dans son salon de Saint-Jean, à quelques encablures de son vieux petit pont où il aimait observer l’eau monter, Etienne Dutel remonte le fil du temps avec son épouse, Lucienne, 93 printemps. “C’était le bon quartier, populaire, travailleur, amical.” Un quartier à l’identité ambigüe, ni trop à Vaulx, ni tout à fait à Villeurbanne. Etienne Duteil en veut pour preuve : lui a été à l’école au Village, dans le château, alors que ses petits voisins fréquentaient celle de Croix-Luizet. “J’avais le choix pour m’y rendre. Soit je marchais, soit je prenais le tramway qui passait au Petit-pont, soit mon père me déposait avec son cheval qu’on appelait François”, précise-t-il. De tout cela, il ne reste pas grand chose. Le tramway a laissé place au bus 37, qui lui même ne fait plus escale dans le quartier. Les terrains maraîchers sont devenus des constructions et surtout, on ne redoute plus du tout le Rhône. A peine se souvient-on qu’il coule encore, derrière l’autoroute et son insubmersible digue.

Maxence Knepper

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