Actualités / Cultures - vendredi 27 février 2015

Seyhmus Dagtekin, “En voyage dans la vie”

 Né en 1964 à Haroun, dans un village kurde de la Turquie, Seyhmus Dagtekin vit aujourd’hui en France et privilégie l’écriture en langue française car, pour lui, “la rencontre avec le lecteur est un partage ; lire la poésie, c’est comme une adresse à l’autre. Il est préférable qu’elle soit dite dans la langue accessible à celui qui est en face”.

Il n’en oublie pas pour autant ses origines et puise dans les trois langues maîtrisées, pour enrichir son écriture. “Ce sont pour moi des vases communicants ; ce ne sont pas des mondes clos, l’essentiel, c’est le souffle, c’est ce que l’on a à dire. Les mots eux-mêmes donnent ce souffle”. Et, pour étoffer son propos, le poète livre une part de son histoire : “ Je me considère en voyage dans la vie ; je change de monture en cours de route. Je suis né Kurde, j’ai fait des études en turc. Arrivé en France, j’ai appris la langue que j’avais à ma disposition. C’est aussi la nécessité qui fait loi. Il y avait une sorte d’urgence, le français je m’en suis emparé pour dire ce que peut-être je ne pouvais pas dire dans mes autres langues”.

Et, ce qu’il a à dire, à travers sa poésie ou ses romans, il le considère comme “un pari. Celui d’inviter le lecteur à devenir tout un monde”. Selon lui, “la poésie doit avoir une fonction de double révélation, celle de l’auteur au lecteur mais aussi du lecteur à lui-même.”.

Ainsi, il attribue à la poésie un rôle majeur : “La poésie doit nous préserver de la monstruosité. Elle doit ne pas nous faire perdre l’espoir. C’est cet espoir que j’investis dans la parole. Il faut sortir du schéma classique selon lequel le soleil est l’astre qui éclaire les étoiles qui sont des astres morts. Nous sommes tous des étoiles et nous sommes dans un échange de lumière plutôt que d’attendre la lumière de quelques uns qui détiendraient la vérité et qui nous font vivre un enfer. Ce peut-être le Daech, les fascistes. Ils ne sont limités ni dans l’espace, ni dans le temps. C’est très préoccupant”.

Il regrette que la poésie n’occupe pas “l’espace qui devrait lui être accordée, notamment dans les médias”. Et pourtant, comme disait le poète Georges Duhamel “de chaque livre ouvert, il me plaît d’espérer pour le moins du plaisir, peut-être du savoir et, qui sait, de la sagesse”. Cette maxime, Seyhmus Dagtekin pourrait sans aucun doute la reprendre à son compte, lui qui estime que “toute écriture a une dimension éthique” et la poésie son rôle à jouer pour faire en sorte de “dépasser les étroitesses et permettre de se défaire de ses peurs pour atteindre une conscience universelle”.

”Le monde est petit, constate-t-il, il faut arrêter de nous renvoyer les uns contre les autres. Il faut essayer de mettre en place un vivre ensemble au niveau planétaire”.

Jeanne Paillard

Ce poète et romancier sera présent à la bibliothèque Chassine le mardi 10 mars à 20h, dans le cadre du Printemps des poètes. Il est lauréat du prix Mallarmé 2007 et du prix Théophile Gautier 2008 décerné par l’Académie française, du prix international de poésie francophone Yvan Goll.

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