Actualités / Société - mardi 05 mai 2015

Réconcilier les citoyens et leur police

L’UN EST capitaine de police et référant en matière de discriminations et de déontologie ; l’autre est comédien et a lancé en 2011, une action collective en justice contre l’Etat, s’estimant victime de contrôle au faciès discriminatoires (voir encadré). A priori - mais les aprioris sont faits pour être com- battus -, ils n’ont pas grand-chose en commun. ils en viennent néanmoins à une conclusion commune : “Pour que le regard de chacun change, il faut du débat.” Dont acte.

De mauvaises expériences

Sa première rencontre avec la police, Lyès Kaouah, 25 ans, en garde un sou- venir amer. il avait 15 ans et a reçu une gifle pour avoir tenu tête à un agent qui lui demandait de faire moins de bruit alors qu’il chahutait dans un centre commercial. “Je suis passé d’une image positive, à une autre, beaucoup moins avantageuse, nourrie par une succession d’expériences comme celle- là”, confie le comédien qui explique n’avoir pourtant pas été “dressé dans une haine de l’uniforme”. et il ajoute : “Je ne suis pas le premier des citoyens, mais je ne suis pas non plus un délinquant. Comment se fait-il que, lorsque je vois des policiers, je me sente mal à l’aise alors que d’autres sont rassurés par cette présence ?”.

Pour le capitaine Azizi, l’essentiel du problème est dans le positionnement de la police, force au service des autres, mais perçue parfois comme étant l’inverse. “Il faut raison garder, un policier n’est pas là pour embêter les jeunes. Sa visée première c’est la sécurité publique, rien de plus, et si le contrôle d’identité existe, c’est que la loi le permet“, soutient celui qui souhaite “qu’on place le policier comme acteur de la lutte contre les discriminations et non pas qu’on associe la discrimination à un comportement policier”.

“Chacun doit retrouver sa position”

S’il a pris fait et cause pour ce combat contre la stigmatisation des jeunes de banlieue, Lyès Kaouah se défend de tout angélisme : “Bien sûr qu’il y a des jeunes qui entrent dans la délinquance et parmis eux, des jeunes issus de l’immi- gration. Mais au lieu de pointer cela et de faire des amalgames, il vaut mieux en expliquer les causes”, estime le comédien, citant la pauvreté, le manque d’intégration ou la ghettoisa- tion de certains quartiers. Selon lui, le problème ne se cantonne pas à la relation entre police et jeunesse, il est davantage sociétal et politique. “Certes, mais quand on dit politique, on dit tout et n’importe quoi”, répond à cela le représentant des forces de l’ordre qui pointe l’individualisme de la société où chacun se complait dans les clichés et participe à l’augmentation des crispations. “Tout le monde est victime de cette situation”.

“Je ne rêve pas d’une France utopique, mais juste d’une évolution des mentalités. Que les policiers ne nous voient pas comme des sauvages et inversement, que leur travail soit mis en valeur”, suggère Lyès Kaouah. et rachid Azizi de conclure que “chacun doit retrouver sa position et se donner des gages de respect : Il faut arrêter de considérer le gardien de la paix comme un guignol et le jeune, comme un voyou”.

Maxence Knepper

Des actions concrètes au niveau local

“Cette question m’importe beaucoup, d’autant que j’y ai travaillé avant d’être élu, au travers d’associations, souligne Ahmed Chekhab, adjoint délégué à la Citoyenneté par le Sport, la Culture et la Vie associative. Je regrette d’ailleurs l’arrêt de la police de proximité qui permettait de créer un lien avec la jeunesse et je plaide personnellement pour la mise en place de récépissés lors des contrôles d’identité”. Par le biais de son Plan territorial de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations, la municipalité engage des actions concrètes : Le capitaine Rachid Azizi va former les agents aux problématiques de discriminations et entamer un cycle de rencontres avec les jeunes Vaudais. Deux universitaires sont aussi mandatés pour effectuer un audit de la situation dans la commune, alors que le Défenseur des droits(1) tiendra dans les prochains mois, des permanences ponctuelles au nord et au sud de Vaulx. Ahmed Chekhab aimerait en outre, monter une rencontre sportive et amicale entre jeunes, policiers et pompiers. Selon lui, la police doit ainsi engager un travail profond : “La municipalité sait créer du lien ; aux forces de l’ordre de changer leur image”. Quant à la valorisation de la place des jeunes dans la cité, elle n’est pas oubliée. Le 29 mai aura lieu la journée de la Citoyenneté durant laquelle les primo votants se verront remettre leur carte d’électeur afin de célébrer le début de leur parcours citoyen. enfin, du 21 mai au 6 juin, aura lieu au lycée des Canuts une exposition portée par la Licra, sur le thème immigration et football, histoire de valoriser les parcours individuels d’une ville riche de mixité.

M.K

(1) Les missions du Défenseur des droits : défendre et promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant, lutter contre les discriminations et promouvoir l’égalité, veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité.

 

Un procès pour “délit de sale gueule”

TREIZE PERSONNES  de 18 à 35 ans, dont Lyès Kaouah, reprochent à la police des contrôles discriminatoires. Après avoir été déboutés en première instance, la justice examine à nouveau leur plainte. “Le fait de pouvoir intenter un tel procès, peu importe le résultat, c’est positif puisque cela lance un débat public, considère le capitaine Azizi qui rappelle cependant que juridique- ment, ces contrôles ne sont pas discriminatoires. Cela dit, si un citoyen estime avoir été victime d’un abus, il peut noter le numéro d’identification de l’agent”. une solution qui a été préférée à celle du récépissé, un temps mis en avant, mais qui, selon Rachid Azizi, “paraît bien sur le papier, mais aurait cristallisé les crispations”.

D’après une étude du CNRS de 2014, un Français ayant des origines maghrébines ou africaines se fait bien plus contrôler qu’un citoyen sans ascendance étrangère apparente.

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