Cadre de vie / Le Mas stocke les souvenirs de ses habitants - mercredi 19 novembre 2014 - (3 images)

Les chibanis d’Adoma se racontent

SOUVENT qualifiés d'invisibles ou d'oubliés, les chibanis(1) du foyer Adoma sont mis à l’honneur avant leur déménagement pour le centre- ville où devrait être inauguré leur nouveau lieu de vie en avril prochain. Anouck Patriarche a eu carte blanche pour construire un projet à partir de leurs paroles. “Au fur et à mesure de nos rencontres, un fil rouge m’a semblé évident : l’apport de ces hommes dans la construction de l’agglomération. La Part Dieu, le métro, la Duchère... c’est eux qui les ont bâtis”, explique-t-elle.
Après avoir rencontré individuellement une quaran- taine de résidents, l’ethno- logue s’est associée aux étudiants de 4e année de l’école de dessin Emile-Cohl et aux terminales commerce du lycée des Canuts pour valoriser ce travail. Selon les participants, la magie a opérée. “C’est très important qu’ils puissent lais- ser une trace avant leur relogement, note Khadija Doghman, responsable du foyer. On demande souvent aux anciens quelle est la relation qu’ils entre- tiennent avec leur pays d’origine, plus rarement avec la France. Ils sont heu- reux de raconter de quelle manière ils ont participé à la construction de la ville. C’est beaucoup de fierté et d’émotion”.

Une bande dessinée en préparation

Cinq apprentis dessinateurs de la réputée école Emile-Colh réalisent actuellement des planches de bandes dessinées pour retracer ces destins. “Ils sont très emballés, assure Anouck Patriarche. Pour eux, ce sont de vrais sujets de reportages”. Ces planches seront exposés au Palais de la Bourse de Lyon, en juin 2015, dans le cadre du Lyon BD festival, puis l’exposition sera itinérante et s’affichera notamment à Vaulx-en-Velin. “C’est important de par- ler aux jeunes, soutient Abdul Diallo, résident du foyer. Aujourd’hui j’ai 83 ans et j’ai envie de laisser quelques traces derrière moi”. Lui a été militaire durant la guerre d’Indochine puis chauffeur poids lourd dans son pays natal, la Guinée-Conakry. D’autres tra- vaillaient dans le bâtiment ou les tra- vaux publics et sont arrivés dans les années 60 ou 70, comme Miloud Seffih. “C’est aussi notre histoire, com- mentent Saliha et Lina, lycéennes en bac pro Commerce, après une mati- née au foyer. Elle ne se résume pas à ce qu’il y a dans les livres. Elle est faite de gens qui sont venus d’ailleurs comme les chibanis qu’on rencontre ici”.

(1) travailleurs immigrés, généralement maghrébins, mais également originaires d'Afrique subsaharienne, devenus retraités immigrés.

Dessins © Lilas Cognet

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