Actualités / Enfance / Jeunesse - mardi 18 février 2014

Ecole : une rumeur qui fait des absents

ELLE COURT, elle court la rumeur. De blogs en sites, de téléphones mobiles en réseaux sociaux. Nos chères têtes blondes et brunes assisteraient dès la maternelle à des cours d’éducation sexuelle, avec travaux pratiques en classe ! De même, on “prônerait” l’homosexualité au sein des établissements et on y enseignerait la “théorie du genre” . “Nous sommes dans le délire total”, s’inquiète Jean-Claude Seguy, inspecteur de l’Education nationale de la circonscription de Vaulx-en-Velin.

Appel au boycott

La rumeur ne s’arrête pas à des mots. Elle a enjoint les parents d’élèves à exercer ponctuellement une journée de boycott scolaire pour “protéger la pudeur et l’intégrité de nos enfants”. Vaulx-en-Velin n’a pas échappé à la vague. Au bas mot, une centaine d’enfants n’a pas assisté à la classe à la suite d’un appel au boycott le 24 janvier dernier. “Il est très difficile de quantifier exactement le nombre de familles qui ont sciemment retiré leurs enfants, mais entre ceux qui l’ont revendiqué ou pas, nous dépassons les 100 dans toute la ville”, explique-t-on à la direction d’une école vaudaise. “Si on a bien recensé 130 absents le 24 janvier, seules six familles ont explicitement parlé de journée de retrait en ce qui concerne ma circonscription qui ne comprend pas les quartiers Est, rattachés à Décines”, précise Jean-Claude Seguy.

Impossible de cartographier le phénomène à l’échelle locale. Tous les quartiers ont été touchés, mais des écoles à deux pas l’une de l’autre ont vécu deux journées différentes. Alors que dans certaines, une dizaine d’enfants manquait la classe, dans d’autres, on ne déplorait aucun absent. “La gastro-entérite a fait plus de dégâts ce jour-ci”, plaisante une institutrice. “C’est un problème significatif mais très minoritaire”, relativise un autre enseignant. Cela ne représente en effet que 1,5 % des enfants scolarisés sur la commune. “Le mouvement a été peu suivi parce que les parents entretiennent un attachement fort à l’école, estime Marie-France Vieux-Marcaud, adjointe à l’Education et à la Vie de l’enfant. Ils ont confiance dans l’institution, nous l’avons vu lors des consultations sur la réforme des rythmes scolaires. Les SMS reçus en masse ont énervé certaines familles qui ne se sont pas laissé embarquer. A Vaulx, nous cultivons l’ouverture et l’échange. Ces messages prônent le rejet de l’autre et le repli sur soi.”

Plus le mensonge est gros...

Lundi 10 février, les plus déterminés – pour ne pas dire bornés – ont remis le couvert en appelant à une nouvelle journée nationale de retrait. Cette fois, la mayonnaise n’a pas du tout pris dans les écoles vaudaises. “Après la première journée, nous avons parlé avec les parents inquiets pour leur expliquer que ce ne sont que des bêtises qui nuisent au bon déroulement de la scolarité des enfants. La plupart semble avoir compris qu’ils ont été bernés”, assure une directrice. Si certains parents n’ont pas suivi cet appel, c’est aussi qu’ils n’en ont pas eu connaissance. “Je ne savais pas qu’il y avait une action organisée, s’étonne Fatima(1), mère de trois enfants, rencontrée à la sortie d’une école le 10 février. J’ai participé à la première journée de retrait et si c’était à refaire, je le referais. Je suis contre la théorie du genre et je n’apprécie pas que l’institutrice de ma fille lui parle d’homosexualité”.

Samir(1) a beau avoir reçu plusieurs appels l’incitant à ne pas amener ses enfants à l’école, pour lui, c’était hors de question : “Il n’y a pas lieu de s’inquiéter sur ce qui se passe dans les classes. Mais comme on dit, les plus gros mensonges sont ceux qui passent le mieux.” Selon lui, si la rumeur a pu prendre, c’est aussi parce que la communication gouvernementale manque de clarté. Quoi qu’il en soit, les professionnels de l’éducation l’espèrent, le mouvement devrait s’essouffler. “Nous ne sommes pas au cœur du phénomène. Rien à voir avec la banlieue parisienne où c’est très suivi. Ici, les gens ont conscience que tout cela est un tissu de mensonges”, note l’inspecteur de la circonscription. Et Marie-France Vieux-Marcaud de conclure : “Pour le moment, ce n’est pas une grande inquiétude sur la ville, mais il faut que nous restions vigilants”. Les enseignants continuent de se tenir à disposition des parents d’élèves pour parler de l’ABCD de l’égalité.
(1) Prénoms modifiés.

Maxence Knepper

Photo © Marion Parent

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