Portraits / JOURNAL N°109 - mardi 17 février 2015

Christine Degurse, l’esprit canut

NOUS NE SOMMES pas à la Croix-rousse, ni dans ses pentes rebelles, site historique des ateliers de soierie au XIXe siècle, mais au Carré de Soie, ses entreprises innovantes, son centre commercial et... sa fabrique de tissage. a quelques mètres de la station de métro, niché entre les résidences modernes en construction, les grues et les terrains vierges, l’atelier TSD perpétue une tradition ancestrale, celle des canuts, célèbres ouvriers tisserands de la soie. Dans les locaux de l’allée du textile, qui abritaient autrefois les machines de l’usine TASE, spécialisée dans la création de soie artificielle, les métiers jacquard tournent à plein régime. “Malheureusement, la Métropole de Lyon nous a demandé de quitter les lieux, explique, Christine Degurse, fataliste. L’espoir de conserver l’entreprise dans le quartier est néanmoins partagé par la Ville de Vaulx et par la Métropole“.

 

Depuis la Révolution française

En attendant, la gérante de la société et ses quatre salariés s’attellent à entretenir un savoir faire familial ancien de cinq générations. “Un de mes oncles féru de généalogie a retrouvé un ancêtre canut qui opérait durant la Révolution française. Depuis, il y a toujours eu quelqu’un pour prendre le relais.′′ Comme beaucoup, Christine Degurse s’entiche du métier au cours de son enfance, dans les pas de son grand-père maternel. “Avec les grands- parents, il y avait toujours une petite pièce en fin de journée“, s’amuse-t-elle. “Cependant, c’est mon père qui m’a tout appris.“ Son père, Régis Berliet qui, dès l’âge de 14 ans, n’a d’autres choix que de reprendre l’atelier de tissage pour nourrir ses six frères et sœurs, à la mort du patriarche. Les temps sont durs. “Il travaillait toute la journée et assistait aux cours du soir à l’Ecole de Tissage de Lyon, révèle la dirigeante de TSD. Dix ans plus tard, en 1956, régis Berliet crée sa propre entreprise Grande rue de la Croix-rousse, puis plusieurs ateliers dans le quartier. Sa fille n’est jamais loin, toujours prête à s’éblouir devant les imposants métiers jacquard. Peu après Mai 68, l’ensemble est regroupé dans un local de 400 m2 rue Coste, à Caluire. C’est là, en 1981, que TSD naît contre vents et marées, dans un secteur en crise, perturbé par l’essor de la soie artificielle. Le contexte n’effraie cependant pas Christine Degurse. Diplômée en électro- nique, elle intègre la société en 1982 et y apprend les facettes du métier, du dessin des motifs au tissage, en passant par le nettoyage et l’ourdissage (préparation des bobines de soie).

Sa fille s’occupe des motifs

En 2001, après l’extension de l’Hôpital de la Croix-rousse, l’atelier doit changer d’air, direction Vaulx-en-Velin et le Carré de Soie. Christine Degurse devient alors co-gérante, puis patronne exclusive lorsque régis Berliet décède en 2005. “Très franchement, je n’ai jamais pensé à arrêter. Vous savez, quand vous baignez là-dedans, vous ne pouvez pas faire marche arrière.′′ Afin de lutter contre la concurrence indienne et chinoise, la société se spécialise dans la haute couture et travaille avec les plus grandes marques de luxe françaises, proposant clefs en main des étoffes haut de gamme. La fabrique dispose aussi de sa propre marque, Lyon’s Touch, pour approvisionner les boutiques de la région, sans intermédiaires. réactivité, inventivité, persévérance : Christine Degurse se bat en permanence pour la survie de son art. et en famille puisque c’est sa fille qui s’occupe désormais de dessiner les motifs !

Xavier Cerf

Installé depuis 2001 au Carré de Soie, l’atelier Tissage de Soierie et Dérivés prolonge la riche histoire de la famille Berliet et ses canuts. Rencontre avec Christine Degurse, sa taulière.

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Commentaires

  • Neple Lucien, le 15/03/2017
    La Famille Berliet est d'abord une famille Paysanne ,comme la plupart des nôtres , originaire de Décines Charpieu en Dauphiné

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