Portraits / JOURNAL N°111 - mardi 17 mars 2015

Olga Chakhparonova, une vie consacrée au théâtre

“PENDANT deux ans, j’ai animé des ateliers théâtre au lycée Boisard. Ils seront reconduits à la rentrée prochaine”, raconte Olga Chakhparonova. Aujourd’hui, la comédienne investit la MJC pour créer Une romance russe autour de l’écrivain Ivan Bounine. Les élèves du lycée Boisard et des Vaudais ont déjà pu goûter à la langue savoureuse de cet auteur russe peu connu en France, lors de la lecture faite l’an dernier d’une des ses nouvelles A Paris. “Il me fait vibrer. Son écriture est très musicale. Ce n’est pas par hasard s’il a reçu le prix Nobel”, confie-t-elle. Deux représentations de cette nouvelle création auront lieu à la MJC en octobre ; en attendant il sera possible de la découvrir au théâtre des Marronniers à Lyon du 19 au 29 mars.

 

Trouver sa place

Ivan Bounine avait choisi l’exil en 1920. C’est à Paris qu’il a rédigé les nouvelles Les Allées sombres et Coup de soleil mis en scène par Olga Chakhparonova. L’exil, difficile à vivre pour celui qui arrive dans un pays sans connaître la langue. C’est ce qu’a vécu Olga en quittant la Russie. “L’exclusion, je sais ce que c’est. Quand je suis arrivée en France, je ne parlais pas un mot de français. C’était un vrai handicap”. Selon elle, deux solutions s’offrent à celui qui se retrouve dans cette situation : “Soit on s’enferme dans sa petite communauté et là, c’est le pays dans le pays et le ghetto, soit on essaye de prouver que l’on a sa place ici”. Elle a choisi cette voie. “J’ai souffert, mais j’ai quand même coupé tous les liens avec la communauté russe. J’ai servi de dame de compagnie auprès d’une personne âgée. En échange, elle me parlait en français”.

Olga épaule aussi son mari ébéniste, mais l’amour pour le métier auquel elle a renoncé en venant en France la tenaille. Alors, elle prend son bâton de pèlerin et frappe aux portes des théâtres lyonnais. La déconvenue est de taille : “J’ai été rejeté de partout, traitée comme une imbécile. Chez nous, en Russie, c’est totalement différent, on peut passer des auditions sans problèmes”. Cependant, rien ne l’arrête et sa persévérance va être payante. “Lors de la journée du patrimoine, je suis allée au musée des marionnettes. J’avais suivi une petite formation de marionnettiste à Moscou. Je leur ai proposé de faire le ménage. Il y avait une équipe sympathique”. Et, un beau jour, ô surprise : “le directeur du théâtre m’a accueillie en me disant que j’avais une heure pour apprendre un texte... ”.

 

Une enfance heureuse

L’aventure théâtrale peut alors recommencer. Comment pouvait-il en être autrement ? Depuis sa plus tendre enfance, Olga a décidé de consacrer sa vie au théâtre. “Je l’ai découvert toute petite avec mes parents. Je me souviens, le premier spectacle que j’ai vu, c’était L’Oiseau bleu de Maeterlinck. J’étais subjuguée. A six ans, sans demander rien à personne, je suis allée m’inscrire au Palais des pionniers pour faire du théâtre”. Adolescente, elle réussit le concours pour entrer dans l’école de théâtre la plus prestigieuse de Moscou passant outre l’avis de ses parents qui avaient envisagé pour elle une carrière musicale. “J’ai grandi dans une famille de musiciens. J’étais aussi élève au Conservatoire de Moscou. Il n’y avait qu’un pas à franchir pour les cours de théâtre qui se trouvaient de l’autre côté de la rue”, plaisante-t- elle. Un pas aussi seulement à franchir pour sus- citer la colère de son père qui refusera de lui parler pendant trois ans n’approuvant pas ce choix. Cela n’altère ni sa décision, ni les souvenirs “d’une enfance heureuse” dans l’Union soviétique des années 1970. “Nous avions la chance de pouvoir bénéficier d’activités gratuites et de très bons enseignants. Certains étaient des artistes dissidents ; ils ne pouvaient pas faire carrière, mais s’investissaient à fond dans la pédagogie. Ils nous ont donné l’amour pour l’art”, se réjouit-elle. Un amour qu’elle peut aujourd’hui partager avec les Vaudais, avec bonheur.

Contact : argranol.canalblog.com

Jeanne Paillard

Depuis quatre ans, cette comédienne et metteur en scène est liée à Vaulx-en-Velin dans le cadre d’une résidence de sa compagnie Argranol à la MJC.

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