Portraits / JOURNAL N°120 - mardi 15 septembre 2015

Karim Bounouara, le tacticien

ON CHERCHAIT EN VAIN sur le banc de touche, une fidèle copie de ces coachs gueulards à la Roland Courbis. On y a trouvé un quadragénaire grand et sec, l’œil frisant, attentif aux moindres gestes de ses joueurs, mais qui, pour tancer leurs écarts, n’use pas de sa voix et préfère les prendre à part et leur expliquer “les comportements qu’il ne veut plus voir sur le terrain”. La didactique du ballon rond.

Le défi que lui a lancé Ali Rechad, le président du FC Vaulx, est de taille - il ne l’aurait d’ailleurs pas accepté venant d’un autre club : redorer le blason noir et rouge d’une formation qui a perdu de sa superbe et peine à se remettre de ce que les latinistes appellent l’annus horribilis, soit la pire des saisons que l’on puisse imaginer. Pas un seul but marqué en 2015 par l’équipe 1, l’ensemble des formations seniors masculines reléguées, un effectif décimé, résultats de querelles intestines et d’égos boursouflés. Bref, un club traumatisé.

Mais ça, Karim Bounouara n’en a que faire. “Dès ma prise de fonction, j’ai dit aux jeunes que la saison dernière ne m’intéresse pas, soutient le nouveau coach, père de trois filles. Je ne veux pas connaître les raisons de cet échec où tout le monde a eu sa part de responsabilité, que ce soit les joueurs, les entraineurs ou les dirigeants”. A la tête d’une équipe totalement remaniée et relativement jeune (une moitié de nouvelles recrues “prometteuses et revanchardes” dépêchées par ses soins, encadrées par une ossature de cadres du cru), il espère conjurer le sort et “redonner la flamme aux joueurs”.

 

Tout un vestiaire autour d’une même philosophie

 

Comme beaucoup de gamins, Karim Bounouara a commencé à taper la balle très tôt. “Dans les quartiers, on pratique le foot à chaque temps mort”, souligne-t-il. Après un passage aux Algériens de Villeurbanne, le défens“eur central débarque au FC Vaulx-en-Velin, à l’orée des années 1990. Ce sont les belles heures du club, celles où les Vaudais tutoyaient les sommets du foot local. “C’était une époque formidable”, note-t-il. Le joueur a 18 ans à peine et un sens de l’anticipation remarquable. Très vite, il “titille le milieu pro” à Grenoble puis à Nantes, où il rencontre l’entraîneur  Jean-Claude Suaudeau, son mentor. Un vieux de la vieille comme on n’en fait plus. “Cet homme a un regard sur le jeu que je n’ai jamais rencontré ailleurs. Il n’est pas focalisé sur le ballon, mais sur ce qui se passe autour”, souligne le nouvel homme fort du FC Vaulx, plein d’admiration pour son ancien coach sacré plusieurs fois entraineur de l’année. Plus que le plaisir d’être sur le terrain, le truc de Karim, c’est la tactique, la pédagogie, la gestion de groupe et la capacité à fédérer, “à faire que tout un vestiaire avance autour de la même philosophie”. A 23 ans, “au moment de faire le deuil d’une possible carrière professionnelle”, il passe les diplômes pour encadrer une équipe. Ce sera l’AS Algérienne, puis l’AS Duchère et le FC Limonest. Dans tous ces clubs, il flirte avec la Coupe de France.

 

Il espère bien revivre la même aventure avec la formation vaudaise. “C’est souvent lors des saisons où l’on s’y attend le moins que l’on fait des miracles”, commente-t-il. Dans l’immédiat pourtant, il ne place pas la barre si haute. Avec son binôme, Omrane “Yoyo” Ben Yahia, “son grand frère”, il compte faire remonter ses hommes au niveau CFA2. “Mais il faut être lucide. Pour le moment, nous devons surtout reconstruire le groupe, insuffler un nouvel état d’esprit et stopper l’hémorragie”, notent les deux acolytes qui défendent des valeurs communes : le respect des règles et des autres, le plaisir du jeu et l’aspect familial de ce sport. Pas de recette magique dans leur sac. “J’ai appris que cela ne sert à rien d’imposer un système de jeu à un groupe. Il faut s’adapter à ses joueurs pour que cela se fasse naturellement”, assure Karim Bounouara. Une dernière mise au point avec les joueurs avant de pénétrer sur la pelouse du stade Jomard et d’entrer dans le vif de la saison, avec l’incertitude de réussir sa mission. Le nouvel entraineur sera-t-il le deus ex machina dont le club a tant besoin ? “Je ne suis pas dupe, surprend-il, j’ai bien conscience que si le début du championnat est mitigé, les vieux démons qui ont rongé l’équipe peuvent revenir”. Pour Karim Bounouara, la route sera longue et la pente raide, car nul n’est prophète en son pays. Mais ses anciens coéquipiers seront là pour le soutenir.

 

Maxence Knepper

L’ancien joueur professionnel a été appelé à la rescousse du FC Vaulx, après une saison chaotique. “Investi d’une mission”, le nouvel entraîneur aura du travail pour relancer la machine à gagner.

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