Portraits / Journal n°119 - mardi 01 septembre 2015

Ali Khalfaoui, de la poésie avant toute chose

ALI KHALFAOUI, “aime la musique avant toute chose” quand il scande ses poèmes. A l’instar de Verlaine, il est sensible à la musicalité des mots que ce soit en arabe ou en français. La poésie est pour lui un art de vivre et il s’étonne que l’on puisse lui être indifférent. “Quand quelqu’un n’aime pas la poésie, c’est qu’il n’a rien compris à la vie”, affirme-t-il, chagriné par ce constat : “A notre époque, les gens ne s’intéressent pas à la poésie”. Un regret d’autant plus fort que, selon lui, “oui, le poète peut être porteur d’un message”. Et, il ne se prive pas de le faire, porté par sa verve.

Poète depuis l’enfance

Cet homme de près de 70 ans, arrivé en France avec sa petite valise à l’âge de 25 ans, met en rimes aussi bien le sort des étrangers faisant la queue en préfecture pour l’obtention d’une carte de séjour, que celui de malades entrevus, un jour, dans un lit d’hôpital. La vue d’un enfant expérimentant la marche, ses petits pieds posés sur ceux de sa mère, ou celle d’un ami dans l’indigence, résonnent en lui à tel point que les mots s’imposent alors, s’organisant spontanément en vers dans son esprit. “Depuis que je suis tout petit, je fais de la poésie. J’ai commencé en langue arabe, mais je le faisais seule- ment pour moi sans rien faire lire à d’autres”, confie-t-il. Ali Khalfaoui quitte la Tunisie pour chercher du travail mais aussi guidé par le goût de l’aventure.

“C’était dans les années soixante. On était à l’abri des problèmes de drogue ou d’alcool que les jeunes connaissent aujourd’hui. Nous avions une bonne éducation. C’était une belle jeunesse”. Il s’installe tout d’abord dans le Vaucluse où il rejoint un de ses frères. “A mon arrivée , j’ai commencé comme apprenti dans une entreprise générale de menui- serie. Mais j’ai fait de l’allergie à la sciure alors le médecin m’a conseillé de changer de métier”. C’est ainsi qu’il monte à Paris, suit une formation de soudeur. Au bout de sept ans, c’est de nouveau le départ pour se rapprocher de son frère qui vit à Vaulx-en-Velin. “J’ai d’abord habité chez lui, puis je suis allé en foyer”, raconte-t-il.

La poésie, un remède

Mais là encore, la maladie le rattrape : “Pendant tout ma vie ça a été ainsi, je travaillais dès que l’allergie se calmait. Puis retombais malade et devais m’arrêter de nouveau de travailler”. Le seul remède, à ses yeux, c’est la poésie. “Cela a toujours été pour moi un soulagement, c’est avec elle que je respire”. C’est à travers elle, qu’il trouve une consolation, au regard de l’actualité : “Ce qui se passe dans le monde me fait mal au coeur et, quand je rencontre des jeunes, je m’interroge sur ce que sera leur avenir”. il s’insurge contre des actes de barbarie, qui à ses yeux, n’ont rien à voir avec la religion, car dit-il, “si vous cherchez exactement à connaître ce que disent les musulmans vous verrez qu’il n’y a que Dieu qui peut donner la vie ou la mort”. Ali Khalfaoui ne déroge pas à l’image du poète, rempli de sagesse qui porte sa solitude comme un fardeau. “La sagesse, c’est une richesse. La solitude, c’est une faiblesse”, lâche-t-il. son portrait, extrait de la bande dessinée réalisée par des étudiants de l’école Emile-Cohl autour de la mémoire des résidents, trône à l’entrée du nouveau foyer Adoma, agrémenté d’un de ses poèmes. pourtant, il hésite encore à les soumettre à la lecture, même s’il rêve en secret d’écrire un recueil les réunissant. “Je les connais tous par coeur”, confie-t-il, le regard pétillant, fier de réciter aussi de tête, des vers de Victor Hugo.

Jeanne Paillard

Depuis sa tendre enfance, ce septuagénaire vaudais cultive l’art de la versification. Et accepte volontiers d’être nommé, Le poète. Il n’en reste pas moins modeste, doutant constamment de la pertinence de sa poésie. Pourtant, tout pour lui, est prétexte à l’invention poétique.

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